Laurent Hellé, associé Banque, intervenait lors du Particeep Digital Tour en juin dernier, sur le thème cette année de l’Open Banking. Un évènement dont weave était partenaire. Retrouvez ici son interview à l’issue de l’évènement.
Quels sont les enjeux majeurs de l’Open Banking ?
Laurent Hellé (LH) : A mon sens, l’open banking doit faire face à 2 enjeux majeurs.
Trouver des relais de croissance
- Le premier est un enjeu métier : les modèles de revenus des banques de détail sont relativement à bout de souffle, du fait notamment :
de l’accélération des néobanques, qui prennent des parts de marché, bien que relativement faibles pour l’instant, - de la baisse des commissions interchanges et interbancaires,
- de l’arrivée des opérateurs de paiement qui vont prendre des parts de marché dans ce domaine, avec l’entrée en vigueur de la directive européenne DSP2.
On le voit bien, nous ne sommes donc plus dans un modèle de résilience du PNB, mais dans une décroissance. Il convient donc de trouver de nouveaux relais de croissance. Et l’Open Banking peut y contribuer, en ouvrant la Banque à de nouvelles formes de partenariats et partenaires. Et ce selon deux approches distinctes : soit la banque met à disposition ses savoir-faire auprès de ses partenaires (Bank As A service), soit la banque s’appuie sur le savoir-faire de ses partenaires (Bank As A plateform) et le propose à ses clients.
Il s’agit donc d’accélérer ce mouvement vers de nouveaux partenaires, comme Monetize, Fizen, etc., pour proposer à leurs clients de nouveaux produits et services, en cohérence avec leur métier de base (crédit, investissement, épargne).
Ouvrir son système d’information
Le 2ème enjeu à mon sens est un enjeu technologique : l’open banking requiert en effet d’ouvrir son système d’information.
Et là, nous savons tous que les systèmes d’informations des banques historiques sont constitués d’un patrimoine applicatif très riche et très complexe. Celui-ci est certes bien urbanisé, mais avec des principes un peu datés (exemple : faiblement data centric).
Ces systèmes sont donc à adapter, car même si ces établissements ont déjà noué des partenariats historiques (avec des filiales et de grands groupes principalement financiers), il s’agissait de partenariats stratégiques avec une intégration forte. Peu en effet ont fait l’objet d’une intégration « légère » et proposant un parcours client fluide de bout en bout.
A cet égard l’APIsation est une réponse à cet enjeu technologique.
Pourquoi, selon vous, les Fintech ne deviennent-elles pas des licornes ?
LH : c’est vrai que c’est une des particularités de ce secteur, contrairement à ce que l’on peut voir dans d’autres secteurs industriels (ex : Critéo).
Qui dit Banque dit maîtrise des risques et Tiers de Confiance. Les banques ont toujours noué des partenariats technologiques, mais plutôt avec des grands noms type IBM.
La taille, la résilience financière, l’apport technologique pérenne et sécurisé, fait qu’une banque préfère faire confiance à de grandes entreprises.
Certes, les Fintech intéressent les banques, car elles sont un accélérateur d’innovation. Les banques essaient d’ailleurs de plus en plus de les accompagner dans l’amorçage, la croissance, puis le passage à une phase industrielle.
Néanmoins, on constate que la plupart des Fintech sont bloquées à la phase du prototype et qu’une fois la preuve de fonctionnement faite, elles sont en général rachetées par les banques.
Aujourd’hui, 90% des capitaux des Fintech appartiennent en effet aux banques. Donc pour passer d’un modèle d’acquisition-absorption à un modèle de partenariat et d’un modèle Fintech à un modèle « Licornes », il faudrait que les patrons de Fintech aient une vision industrielle (à 15/20 ans plutôt que 3 ans…). Il faudrait également que les banques accompagnent les Fintech non seulement sur des prototypes ou des prises de capitaux, mais également via des partenariats stratégiques dans la durée (ex : Nickel & BNP Paribas).
Tant que l’ensemble de cet écosystème (Fintech, partenaires, business angels, incubateurs) ne se mettra pas d’accord sur un projet industriel, avec peut-être l’impulsion de l’Etat via son comité numérique, nous ne verrons pas de Fintech devenir des licornes.
Propose recueillis par Thibault Hache