Fort de nos retours d’expériences, nous proposons un point de vue sur la transformation digitale du métier de pharmacien en quatre articles. (cf. 1. Le pharmacien face au digital et 2. Le Pharmacien face aux e-patients)
3. Le Pharmacien face à la dématérialisation de la relation avec ses partenaires
Le métier du pharmacien ne se réduit pas seulement à la fonction «d’expert du médicament ». En plus de ses clients, il doit gérer les relations avec ses fournisseurs et les partenaires Santé. Le digital a permis une diversification des canaux de communication avec ses interlocuteurs, mais tous ne sont pas au même niveau d’avancement. Le pharmacien doit donc dans son évolution digitale s’adapter aux différentes contraintes de ses partenaires dans les phases d’information, d’achat de médicaments, de vente aux patients et de comptabilité.
Le digital comme support au délégué médical et comme support au pharmacien dans son devoir de pédagogie
La connaissance produit, cœur du métier du pharmacien, est alimentée par deux canaux : d’une part, l’information est poussée par les laboratoires, aujourd’hui majoritairement lors des visites de leur force commerciale. D’autre part, l’information est « tirée » par le pharmacien lui-même, lorsqu’il effectue des recherches personnelles ou quand il reçoit des formations.
Or seuls 58% des pharmaciens jugent le visiteur médical comme la source d’information la plus légitime sur les médicaments princeps. Pour améliorer la communication autour de leurs médicaments, la majorité des laboratoires ont déjà investi dans des tablettes tactiles pour leurs forces de vente: aux Etats-Unis 85% des visiteurs médicaux seront équipés d’iPad avant fin 2013.
En interaction avec le patient, la mise à disposition de bornes interactives supportées par des tablettes peut être un moyen d’accompagner le pharmacien dans son devoir pédagogique tout lui permettant de s’informer. Pfizer a été la première entreprise à accompagner les pharmaciens dans ce domaine, en proposant dès 2011 des bornes dans une centaine officines.
L’interactivité et l’aisance de navigation sont des avantages réels, mais la tablette permet également d’apporter une information fluide, fiable, à jour et globale, notamment dans les petites officines, qui faute d’un chiffre d’affaires suffisant, ne reçoivent pas toujours une visite régulière du laboratoire.
Des systèmes de prise de commande inadaptés et chronophages
30% du temps du pharmacien est consacré à la prise de commande et à la gestion des stocks. Même si les laboratoires ou les grossistes cherchent à optimiser leurs logiciels de prise de commande, le principal soucis reste la démultiplication des plateformes et un manque de convergence globale. Plusieurs modes d’achat sont aujourd’hui possibles avec la technologie du pharmacien : application Smartphone, plateforme web, commande sur tablette avec le délégué, etc, mais le vrai challenge serait de réussir à standardiser et normaliser les outils, dans un esprit de coopétition. En effet, de nombreux pharmaciens attendent la visite du visiteur médical pour compter leurs stocks ou gardent des méthodes archaïques comme le téléphone ou le fax.
Dans d’autres industries, il est fréquent que des concurrents travaillent ensemble sur des projets non-différenciant pour leur client, comme les systèmes de facturation. On pourrait imaginer qu’il en soit de même pour les grands laboratoires de l’industrie pharmaceutique, afin de trouver une solution pérenne et satisfaisante pour tous.
Faciliter les relations avec les organismes publics
Avec un taux de substitution imposé à 85%, l’Etat est omniprésent dans le quotidien du pharmacien. L’instauration de la carte vitale et du tiers payant a donné à l’Etat les moyens de peser sur l’achat des génériques au détriment des princeps, mais le tiers payant implique souvent des problèmes de trésorerie pour le pharmacien. Ce dernier doit maintenant suivre l’avancement du remboursement et traiter les cas de rejet tout en respectant les délais de paiement de son fournisseur.
Un suivi en temps réel du processus de remboursement permettrait au pharmacien de rester à jour dans ses paiements. Par ailleurs, si la carte vitale a déclenché la transition informatique des pharmaciens, ils ont rapidement adopté les supports numériques pour ses tâches officinales : en 2010, pour plus de 99% d’entre eux, les factures étaient télétransmises alors que l’assurance maladie demandait des copies papier des ordonnances. Le passage de la sécurité sociale à la télétransmission des ordonnances permettrait une centralisation des informations ainsi une meilleure observance des maladies sur le territoire. A plus long terme la prescription électronique d’ordonnance est prévue, éliminant tout flux papier. Cette numérisation complète permettra au pharmacien de se débarrasser du scanner et du graveur de CD nécessaires actuellement, et son outil de travail pourra devenir complètement mobile : il pourra se passer de comptoir et inventer une nouvelle officine interactive.
En attendant notre prochain article sur le pharmacien de demain, je vous invite à regarder, une vidéo toute récente sur les avantages de l’iPad dans l’industrie pharmaceutique (en anglais).
Benoît Veyrines et l’équipe Santé